Vous imaginez peut-être une famille vivant au grand air, un peu sauvage, avec de petits enfants revenus à l’état naturel, surprenants, hors cadre, et plutôt indépendants puisque c’est mère Nature qui leur enseigne l’essentiel de ce qu’ils savent.
Gare à ne pas trop idéaliser cette image d’Épinal ! Le tableau comporte quelques réalités pratiques, et admettons-le, c’est même le défi essentiel pour toute famille qui part voyager au long cours.

Attention, enfant en liberté !
Le départ constitue une rupture avec la vie quotidienne, permettant à chacun de se libérer de toutes sortes de contraintes sociales. Par exemple, Agathe prend un immense plaisir à se promener en culotte toute la journée, et nul d’entre nous ne porte souvent de chaussures.
Par ailleurs, notre voyage s’étant déroulé sous des latitudes tropicales, il est possible de nager à toute heure. Quelle chance ! N’oublions toutefois pas que tout le monde ne sait pas encore flotter.
Libérés du cadre de l’école ou de la crèche, les enfants passent beaucoup plus de temps avec les adultes (qui se sentent de fait moins libérés, eux !), et aiment beaucoup discuter. La barrière générationnelle s’efface doucement, et laisse place à une relation très intéressante. Par ailleurs, le contexte du voyage permet aux enfants de s’adonner à une de leur passion : découvrir, découvrir encore, et poser des questions.

Une présence 24 heures sur 24.
On court tellement après le temps dans notre vie quotidienne, que c’est une bonheur de disposer de vraies, longues plages de temps. On est en présence de nos enfants du matin au soir, et la nuit aussi. Ils participent à toutes les tâches, comme la cuisine ou la pêche, et accompagnent toutes les promenades, tous les repas. C’est aussi l’occasion de les éduquer dans chacun de ces petits instants, de transmettre des messages de façon diffuse, cohérente.
Mais quand il s’agit de passer une nuit complète ou de sortir en duo, cela devient beaucoup plus compliqué. Cette présence constante est un absolu, elle est permanente.

Des facilitateurs de lien et de rencontre.
Les enfants, c’est bien connu, sont très mignons, si bien que personne n’en a peur, et tout le monde souhaite s’approcher d’eux, les gâter, rire avec eux. Et réciproquement, leur spontanéité leur permet d’aller vers tout le monde. On dit souvent qu’il faut tout un village pour élever un enfant, et on est très heureux de trouver de petites communautés familiales, à terre ou sur d’autres bateaux, pour soulager les parents, qui se sentent un peu isolés. Les Maisons de l’enfance, en Polynésie française par exemple, sont des lieux de ressourcement que nous avons énormément appréciés.
Il n’est pas toujours évident de demander conseil dans les difficultés quotidiennes : comportement difficile, trouble du sommeil, etc. Quand on vit seul avec son enfant au quotidien, loin de ses proches, il est difficile d’obtenir du soutien. Merci maman d’être venue nous rendre visite et d’avoir partagé notre vie à bord !

Adepte des routines
Les enfants ont cette grande capacité d’adaptation. Lors de longues traversées en mer (notre plus longue a duré 26 jours), cette capacité s’est révélée précieuse. Avec eux, on prend plaisir à répéter des actions à heures fixes : « C’est l’heure des cookies ! », « C’est l’heure de la patouille ! »… Nous nous repérons en cochant des cases sur un calendrier, et pratiquons avec soin de petits rituels qui rendent heureux car on les attend, on les prépare, et surtout, on les vit tous ensemble. Par exemple, l’un de nos rituels favoris était celui des crêpes du dimanche soir.

L’école pour tous !
Certes, les parents restent les précepteurs des enfants, mais en réalité, nous apprenons beaucoup aussi des enfants. En plus des apprentissages scolaires, ils sont en quelque sorte à l’école de la vie. Leur environnement, en constante évolution à cause du nomadisme, les oblige à s’adapter très rapidement : quitter un ami qu’ils viennent de rencontrer, ou dormir dans des conditions inédites.
Les parents aussi sont à l’école des enfants, apprenant à saisir l’instant présent, à s’émerveiller, à donner de leur temps et de leur énergie sans compter.
Si les enfants sont le véritable enjeu de tout long voyage, et cette opinion a été largement partagée autour de nous par les familles rencontrées, ce sont aussi eux qui donnent le sens profond à nos tribulations. Nul doute que sans eux, nous serions allés beaucoup moins loin !
De retour sur la terre ferme, nous avons rapidement repris nos marques. Le rythme s’est resserré, et j’avoue être contente de pouvoir retrouver quelques heures de solitude dans la journée. Mais nous gardons précieusement le trésor de ces moments passés ensemble. Puissions-nous ne pas tout oublier trop vite !